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La viticulture biologique et le changement climatique – retour sur la journée du 15 juillet au Domaine Didier Grappe

La viticulture biologique s’est fortement développée ces dernières années dans le Jura et nous comptons aujourd’hui près de 80 vignerons qui conduisent leurs domaines selon ce mode de production, soit près d’un quart des surfaces des AOC vins du Jura. La journée technique annuelle en viticulture bio organisée par la Chambre d’Agriculture et la Société de Viticulture du Jura s’est déroulée cette année le 15 juillet au domaine Didier Grappe à Saint-Lothain.

Le changement climatique : les effets, les impacts – zoom sur la viticulture

Pour commencer la matinée, Jérôme Lamonica, chargé de mission “Changement climatique” à la Chambre d’agriculture du Jura, fait le point sur des notions de base : la différence entre météo et climat, l’adaptation et l’atténuation au changement climatique, les gaz à effet de serre (GES) et leurs conséquences sur le climat. Après un tour d’horizon plutôt global, la question de la viticulture est abordée. La vigne est un des témoins de ce changement climatique. En moyenne, les vendanges ont lieu 18 jours plus tôt qu’il y a 40 ans sur l’ensemble de l’hexagone. De plus, une évolution a été observée depuis 1987 jusqu’en 2015 des teneurs en sucres et de l’acidité totale des moûts de Chardonnay et Pinot Noir par le BIVB, avec une augmentation du taux de sucres et une baisse de l’acidité.

Alors à quoi nous attendre dans l’avenir ?

D’ici 2050, les objectifs nationaux fixés par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) de 2015 sont la neutralité carbone. Pour l’agriculture, qui représente actuellement 20% des émissions GES nationales, l’objectif est de réduire de moitié les émissions GES d’ici 2050. A l’heure actuelle, plusieurs scénarii sont possibles. Même dans le cas du plus optimiste, il est important de noter qu’aucun retour en arrière n’est possible. Nous ne pouvons qu’atténuer les effets du changement climatique, ce qui demande du temps : les impacts des directions prises en 2020 ne seront visibles qu’à partir de 2040.

Les différentes simulations faites sur Arbois montrent que le climat sera plus chaud, avec une température moyenne annuelle à long terme (futur lointain 2071-2100) qui passerai de 10°C à 14.3°C (scénario le plus pessimiste). Il y aurait également une vulnérabilité accrue de la vigne aux gelées tardives et le régime des pluies serait modifié, avec des périodes de sécheresse (et d’autres plus abondantes).

Afin d’atténuer l’impact de la viticulture, différents leviers peuvent être mobilisés : les emballages, le transport des marchandises, l’énergie pour les engins agricoles, les équipements œnologiques, et la conception des bâtiments. Il existe également des leviers pour permettre à la viticulture de s’adapter au changement climatique, tels que la réorganisation des plantations dans l’espace, les pratiques viticoles, les processus œnologiques ou encore le matériel végétal.

Suite à cette présentation intense, Didier Grappe prend la parole pour présenter son domaine et exposer ce qu’il met en place pour faire face au changement climatique.

Le Domaine Didier Grappe

Historique et présentation

Après un BPREA à Beaune, il décide de s’installer en 2000 hors cadre familial. Pour commencer, il travaille sur 1 hectare, puis agrandit son domaine petit à petit pour en cultiver dorénavant 3.8 hectares. Convaincu que les équilibres naturels doivent être préservés afin d’extraire la quintessence du terroir, Didier s’est tourné très tôt vers la viticulture biologique, bien avant la certification du domaine en 2007.

« Quel est selon vous la clé de réussite en viticulture biologique ? Être passionné par ce que l’on fait ».

Didier Grappe

Être en bio lui permet de maitriser ses rendements, facteur indispensable selon lui pour obtenir des vignes moins délicates, des fruits sains et des vins bien équilibrés. Actuellement, son parcellaire est composé de tous les cépages jurassiens (chardonnay, savagnin, trousseau, poulsard et pinot) ainsi qu’une petite part (0.5ha) de variétés hybrides résistantes (Seyve Villard en blanc et Léon Millot en rouge).

Faire face au changement climatique

En ce qui concerne risque « gel printanier », le domaine a mis en place en 2020 sur une parcelle de Chardonnay, la taille « Pisses-Vin » qui consiste à garder 2 grands sarments en plus des bois de taille classiques qui ne seront pas liés. Cette méthode permet d’augmenter le capital « bourgeons ». L’essai sera poursuivi pour la campagne 2020-2021 et les années à venir afin de mesurer son efficacité et ses effets sur la vigne.

Didier Grappe a décidé de travailler des variétés hybrides résistantes qui permettraient également de réduire l’impact des gels printaniers ainsi que celui des traitements phytosanitaires.

Tour de parcelles

Afin d’en savoir plus sur les itinéraires techniques pratiqués au domaine, Didier Grappe nous emmène voir ses parcelles de vigne à la sortie de Saint-Lothain. Ce que l’on remarque en premier est le soin apporté au cavaillon (sous le rang de vigne). Didier passe une fois avec un intercep en début de saison, puis il monte des disques crénelés entre les roues du tracteur et passe avec dès que cela est nécessaire lors des divers travaux (rognage, traitement, tonte,…). Si besoin, il sort la pioche pour finaliser le travail sous le rang. Au niveau des rangs, il bêche une fois à l’automne un rang sur deux puis laisse l’herbe pousser spontanément. La parcelle que nous visitons est celle de Léon Millot et de Seyve Villar, les deux variétés hybrides résistantes, où pour l’année 2020 aucun traitement n’a été appliqué. « Cela pourrait être une solution au ZNT Riverains ».

Témoignages et dégustations

Trois autres viticulteurs ont été conviés pour témoigner sur les actions menées au sein de leur domaine pour faire face au changement climatique : Pierrick Legorrec, Valentin Morel et Antoine Pignier.

Pour commencer, Valentin Morel nous explique comment se met en place au domaine l’adaptation au changement climatique par différents leviers, tel que la plantation sur 10 ares de différentes variétés résistantes. Ce qui permettrait selon lui d’adapter son domaine au changement climatique (résistance au gel, aux maladies,…) et d’atténuer l’impact du domaine sur le climat (variétés qui demandent moins de travail donc moins de passage du tracteur donc moins de relargage de CO2 dans l’atmosphère). Pour lui, ces variétés peuvent être des solutions pour certains lieux comme les ZNT, les zones gélives, les pointes. Toutefois, il considère qu’il ne faut pas abandonner les vitis vinifera.

Ensuite, Antoine Pignier nous présente son vin issu de la variété résistante « Pinotin » qui a comme caractéristique d’avoir un port retombant, ce qui permet de protéger les grappes du soleil et des fortes chaleurs.

Et enfin, Pierrick Legorrec nous explique son expérience peu satisfaisante avec les bougies qu’il a utilisé sur son parcellaire, très sensible aux gelées tardives. C’est un système qui représente un coût et un travail important et qui lui a provoqué beaucoup de stress. Il lui reproche également sa forte pollution. Dorénavant, il préfère tailler plus tardivement ses chardonnay, et attendre un peu avant de lier (stade 2 feuilles étalées).

A rappeler : les variétés résistantes sont cadrées au niveau réglementaire. D’après la loi française, tous les vignerons ayant des autorisations de plantation peuvent planter 16 variétés résistantes actuellement autorisées ainsi que 20 cépages hybrides anciens inscrits dans le catalogue officiel. Mais ils ne peuvent être actuellement commercialisés qu’en VSIG (vin sans indication géographique).

Rachel OUTHIER – SVJ & Lucile Chavanieu – CA39

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