L’équipe bio 70 de la Chambre d’agriculture a organisé deux tours de plaine méteil les 27 avril et 5 mai 2021, sur deux secteurs distincts. Le premier en bordure de Saône à Seveux sur sol sableux argilo limoneux chez Gilles NEVET, membre du groupe Dephy*. Le second, à Aillevillers et Lyaumont chez Cyril CORNU, sur des sols typiques vosgiens acides et sableux. Au total plus de quarante agriculteurs bio et non bio ont répondus présents. Les gelées tardives de ce début de printemps n’ont pas empêché la rencontre d’être chaleureuse et fructifiante ! Les intéressés ont pu échanger sur leurs pratiques et leurs interrogations sur le sujet.
*Le grouphe DEPHY 70 (dispositif ecophyto) animé par la Chambre d’agriculture, est un groupe d’échanges de pratiques et de diffusion des techniques agroécologiques (14 agriculteurs en Haute-Saône en 2021 pour le groupe DEPHY 70)
Des objectifs variés
Les méteils restent un vaste sujet où chacun y trouve satisfaction en fonction de ses objectifs : les éleveurs recherchent une autonomie alimentaire avec de bons taux protéiques ou un volume conséquent de fourrage pour essayer d’avoir un stock sécuritaire, et les céréaliers, des associations légumineuses et céréales intéressantes agronomiquement et économiquement. Les conventionnels présents partageaient également le souhait de sécuriser des fourrages tôt en saison tout en ayant une couverture de sol permanente, le tout dans un objectif d’autonomie !
Presque quinze jours de décalage :
En générale, on observe un décalage d’une dizaine de jours entre les Vosges Saônoise et l’ouest du département. En vallée de Saône les méteils étaient déjà bien développés, les céréales en pleine montaison, venaient tuteurer des légumineuses abondantes (photo). Derrière prairie, le relargage d’azote est important pendant deux ans, et offre de bons potentiels de rendement pour les méteils grain ou fourragers, de 50 à 60 unités derrière une prairie temporaire et jusqu’à 100 unités derrière luzerne. Cependant il faut être vigilent à ce que cet azote ne vienne pas pénaliser les légumineuses en les faisant verser.
Avec les températures froides, les mélanges de printemps démarrent doucement. Sur le secteur de Seveux, l’agriculteur a semé pour la première fois du lupin bleue associé à de l’avoine blanche, plante peu conduite sur le département nécessitant un contexte plutôt breton « de l’acidité des températures douces et de l’hygrométrie ».
Certaines parcelles visitées ont montré une forte présence de vesces non semées dans certains mélanges ce qui amène, dans ce cas, l’agriculteur à revoir son objectif : dans certaines parcelles le méteil sera finalement enrubanné plutôt que mené à grain. Se pose ensuite la question de « que mettre derrière un méteil fourrage ? ». Comme le souligne Joël Dupré, conseiller d’élevage en bovin lait (Géniatest conseil élevage), avec un contexte plus froid, la possibilité de semer un maïs derrière un méteil fourrage se discute dans le Nord de la Haute-Saône. La variété choisie sera très précoce même pour du maïs ensilage.
Quelques principes clef:
En général, quel que soit la destination du mélange, il est impératif, surtout en agriculture biologique, de semer dans de bonnes conditions. A savoir : un sol bien préparé et bien ressuyé pour que la culture soit la plus vigoureuse et compétitrice dès le départ.
Les quantités peuvent variées entre 150 à 220kg avec deux à quatre espèces. Au-delà de quatre, certaines espèces sont pénalisées. Les céréales sont semées avec un objectif de 350 à 450 grains par m² afin de servir de tuteur pour les légumineuses et d’éviter au maximum la verse en fourrage comme en grain. Les espèces rustiques, comme le triticale, présentent de nombreux avantages tels qu’un prix de semences peu élevé et un itinéraire technique simple. Le seigle offre un très bon rendement fourrager, l’avoine d’hiver ou de printemps, peut avoir un effet allopathique sur les adventices et « bouche les trous » grâce à sa forte capacité de tallage. Le blé reste moins intéressant à valoriser pour l’élevage car très acidogène pour les ruminants et plus cher. A l’inverse il peut être très intéressant de l’associer avec une légumineuse pour gagner en qualité dans un objectif de commercialisation pour l’alimentation humaine à condition d’avoir une capacité de ventilation et de triage adaptée. Pour des mélanges de printemps on peut imaginer du triticale ou du blé de printemps, mais c’est clairement l’avoine que l’on retrouve majoritairement dans les mélanges pour sa rusticité et ses faibles besoins en azote.
Concernant les légumineuses, la féverole est l’une des espèces libérant le plus d’azote. Etant très sensible aux maladies tel que le botrytis sur les variétés hivernales, elle trouve toute sa place en mélange. La diversité des espèces et des familles la protège de ses principaux bioagresseurs. Le pois fourrager est plus rustique, il est couramment utilisé en mélange, mais les sangliers en sont friands en zone à forte pression.
Méteil grain | Méteil fourrage | |
Intérêts | Limite les maladies fongiques Fort pouvoir couvrant Diversifie la rotation Procure de la paille en quantité pour le troupeau Possibilité d’enrubanner/d’ensiler si besoin | Fort pouvoir couvrant Garantie un fourrage tôt en saison pas ou peu impacté par les sécheressesOffre un fourrage de qualité riche en protéineCouverture du sol pendant l’hiver |
Point de vigilance | Attention au décalage entre la précocité des espèces et des variétés (exemple : orge/ pois) « On ne récolte pas ce que l’on sème » (les quantités des différentes espèces récoltées varient d’une année l’autre en fonction des températures du type de sol et des conditions pédo-climatiques : faites des essais) Pois fourrager : maximum 20% du poids du mélange ou 30 Kg/ha (risque de verse) En bio pas de vesce en grain au risque de contaminer ses parcelles pour plusieurs années | Bien réfléchir en fonction de ses objectifs : une prairie temporaire de qualité reste économe par rapport à un méteil fourrager mais le méteil fourrager réaliser un stock plus important sur une coupe. |
Espèces possibles | Céréales : (Orge) attention à la différence de maturité Avoine (blanche) d’hiver ou de printemps Blé d’hiver (ou de printemps) Triticale d’hiver Seigle d’hiver Légumineuses : Féverole de printemps ou d’hiver Pois protéagineux Pois fourrager | Céréales : Seigle fourrager Avoine Triticale d’hiver Autres graminées fourragères Légumineuses : Pois fourrager Vesce Trèfle Luzerne (Lupin) suivant les types de sols |
Semis | Mélange d’Hiver : En automne après déchaumages et/ou labour, si possible aux environ du 15 octobre pour limiter le salissement (vulpin) >Possible d’implanter des espèces fourragères en semis sous couvert de méteil au mois d’avril Mélange de Printemps : au mois de mars dès que les conditions le permettent | En automne après déchaumages et/ou labour |
Valeurs alimentaires | 12 à 20% de MAT selon les types de mélange et les stades de récolte Stade de récolte optimum en fourrage : légumineuses en fleur, céréales fin de montaison début épiaison (Géniatest conseil élevage) | |
Place dans la rotation | En troisième ou quatrième paille si l’agriculteur a des céréales de vente et en fonction du salissement des parcelles | Avant un maïs, ou entre deux maïs, en fin de rotation avant une prairie |
Mélanges types chez les agriculteurs bio 70 | Triticale / pois Triticale / orge / avoine / pois Avoine / Orge / Féverole (printemps) Blé / féverole (vente) | Triticale / avoine / pois / vesce Seigle / avoine / vesce / pois Seigle / pois fourrager Avoine / pois / (vesce et ou féverole) |
Zoom sur une technique d’implantation en semis direct de méteil fourrage dans la luzerne: témoignage de Daniel PAULIEN de l’EARL les Denaises[PC1] à Battrans et membre du groupe DEPHY 70
En conciliant autonomie et couverture des sols Daniel et Aurélie pratiquent cette technique depuis leur conversion bio en 2015. L’objectif est d’atteindre une autonomie fourragère, énergétique et protéique du troupeau avec de bons rendements tout travaillant sur des sols vivants.
En semant un mélange fourrager à l’automne dans la luzerne (même bien implantée) cette pratique permet, dans une bonne année, d’obtenir environ 20 T de MS à l’hectare (sur sol limono argileux assez profond). Daniel précise tout de même qu’il «a démarré sur un système équilibré avec un sol en bonne santé. Les agriculteurs (bio ou conventionnel) qui se lancent dans des pratiques de travail du sol simplifié ou de semis direct avec des problèmes d’adventices et/ ou de bio-agresseurs, compliquent dès le départ la mise en place de la technique. En effet, il faut d’abord soigner son sol avec les piliers de la fertilité (physique, chimique et biologique) pour avoir un sol équilibré. Un sol en bonne santé sera plus résistant aux aléas climatiques. »
Voir ou revoir sur You tube la ferme des Denaises: Tech&Bio 2019 – Talents – Les Denaises
Pour plus d’informations : Consulter le guide des grandes cultures bio en BFC sur le site info BIO BFC ou encore le guide technique des mélanges fourragers de l’AFPF
Via ce lien :
Marion CHUROUT, conseillère AB Chambre d’Agriculture et GAB 70
[PC1]Noter le nom de l’exploitation car il n’est pas le seul sur l’exploitation son épouse est présente même si elle n’était pas là au tour de plaine