Le marché des grandes cultures bio est très lié au marché physique à la différence du marché conventionnel selon Jérôme Caillé producteur bio des Deux-Sèvres et Président de la commission Bio de LCA (Coop de France). Il est donc assez découplé de la spéculation que l’on peut constater sur le marché mondial.
Mais attention, aucune statistique ne permet de dire quels seront les prix des céréales bio pour la campagne 2022. Toute la récolte 2021 est déjà vendue sur le marché physique via des contrats et il n’y a plus d’échange ce printemps qui pourrait nous indiquer la tendance, comme on le voit sur le conventionnel avec des prix qui s’envolent !
Si on a constaté un tassement des prix blé bio en meunerie en fin d’année 2021, avant la crise Ukrainienne, on peut quand même être confiant pour la campagne 2022.
Ces tassements peuvent s’expliquer par l’augmentation de l’offre. En 2021, la France est devenue pour la 1ère fois exportatrice comme le montre le graphique ci-contre. Jusqu’à la campagne 2020/21, les besoins en meunerie (qui se tassent depuis 2019) étaient supérieurs à la production, ce n’est plus le cas en 2021 !
Par contre, plusieurs signaux nous laissent à penser que les prix vont quand même tirer à la hausse dès que des échanges sur le marché physique reprendront (sans doute autour de l’approche de la prochaine récolte).
D’abord la hausse globale de la demande en céréales liées à la crise en Ukraine, avec une demande probablement soutenue des pays européens comme des pays tiers, puis le renchérissement du cours des engrais (y compris organique) et de l’énergie qui pèsent lourd dans les coûts de production (le cours du gaz avait déjà doublé fin 2021 avant la crise Ukrainienne), et surtout la forte augmentation des élevages en Bio, notamment les élevages de poules pondeuses ces dernières années. Tout cela augure d’une hausse prévisionnelle des cours pour la campagne 2022/23.
Depuis 2018, la Chine a multiplié par quatre ses importations alimentaires et tire les prix mondiaux à la hausse ! C’est ce que confirme l’indice FAO des prix alimentaires dans le monde (cf graphique) où l’on voit qu’en février 2022, cet indice était plus élevé que les 2 pics de 2008 et 2010, laissant augurer du pire pour la campagne à venir.
Les temps sont incertains et il est bien difficile de faire des prévisions fiables. La contractualisation au sein d’une filière organisée reste la gageure d’une relative stabilité. Les contrats passés sont bien souvent aussi des contrats de confiance qui permettent de lisser les hausses comme les baisses, c’est bien ce que l’on a constaté en Franche-Comté ces dernières années avec les opérateurs régionaux.
Frédéric Démarest
Chambre d’Agriculture du Jura