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Valoriser mes protéagineux : de la zootechnie à l’économie.

L’intérêt des protéagineux dans ma ration

Le principal attrait pour les protéagineux est la recherche de l’autonomie protéique. Produire des protéines sur son exploitation pourrait permettre de réaliser des économies sur son coût de concentrés, mais aussi de répondre à une attente des consommateurs qui recherchent de plus en plus des produits locaux, non OGM, Bio etc…

Au niveau nutritionnel, les protéagineux ont des valeurs énergétiques proches de celles des céréales, et des valeurs azotées intermédiaires entre une céréale et un tourteau classique. Les protéines des graines de protéagineux crues sont rapidement dégradées dans le rumen. Cela peut être un atout dans le cas d’une ration déficitaire en azote soluble, c’est notamment le cas des rations foin/regain.

En revanche, pour les rations contenant une forte proportion d’ensilage d’herbe ou de méteil, la part d’azote dégradable dans le rumen est généralement suffisante. L’intérêt de l’apport de graines de protéagineux crues peut alors être limité. C’est là que le toastage intervient : le traitement thermique permet de protéger les protéines de la dégradation ruminale et donc d’augmenter les PDIA et de réduire la part d’azote soluble. Ce procédé est donc intéressant avec une ration non déficitaire en azote dégradable dans le rumen.

Valeurs des graines de protéagineux crues ou toastées en Kg Brut, comparées à celles de tourteaux classiques :

TTX soja 48 TTX

colza

Soja Pois Lupin bleu Féverole à fleurs blanches
Cru Toasté Cru Toasté Cru Toasté Cru Toasté
UFL (/Kg) 1,06 0,85 1.08 1,3 1,04 1,11 1,13 1,17 1,03 1,11
PDIA (g/Kg) 176 91 34 118 29 103 64 155 45 141
PDIN (g/Kg) 331 219 215 238 130 170 199 249 170 214
PDIE (g/Kg) 229 137 76 157 83 156 124 212 96 190
MAT (g/Kg) 453 337 354 352 206 220 307 318 268 270
MG (g/Kg) 18 23 187 192 10 11 53 55 11 14

Les précautions à prendre

L’utilisation de protéagineux dans la ration des vaches laitières doit être réfléchie. Il faut notamment faire attention au taux de matières grasses élevé des graines de soja, que la graine soit crue ou toastée. L’apport de graines de soja en trop grande quantité dans la ration pourrait alors causer une dépréciation de la matière grasse (chute importante du TB), voire une diminution de l’ingestion pouvant pénaliser la production laitière et le TP.  En pratique, on conseille de ne pas dépasser 5% de matières grasses au total dans la ration.

Dans tous les cas, se lancer dans la valorisation des protéagineux nécessite d’effectuer une transition progressive d’au moins 3 semaines afin de ne pas perturber le rumen. Ensuite, il faut suivre l’ingestion ainsi que les taux et les autres indicateurs disponibles pour garantir un bon équilibre de la ration. Parlez-en avec votre conseiller élevage !

Et au niveau économique ?

Achetés ou autoconsommés, il convient de définir le prix d’intérêt des protéagineux pour évaluer le bénéfice économique de leur utilisation. Le prix d’intérêt correspond au prix pour lequel l’aliment acheté est rentable (coût de ration plus faible).

Quel que soit le prix du tourteau, dans une ration foin/regain équilibrée pour 25 kg de lait avec autoconsommation d’orge*, l’ajout de soja cru est rentable si son coût n’excède pas 190 €/T brute (système conventionnel) et 320 €/T brute (système bio). Pour ce qui est des systèmes ensilage maïs/herbe, avec une ration équilibrée pour 30 kg de lait et autoconsommation de céréales (maïs, orge)*, le prix d’intérêt de la graine toastée varie en fonction du prix du tourteau (cf. tableau). Par exemple en système conventionnel, lorsque le tourteau 50% soja – 50% colza est à 350 €/T brute, la graine toastée est rentable si son coût n’excède pas 405 €/T brute.

Prix d’intérêt de la graine de soja toastée en fonction du prix du tourteau, en système ensilage

Systèmes Conventionnel Bio
Prix tourteaux soja/colza (50/50) en €/T 300 350 400 450 600 700 800 900
Prix d’intérêt de la graine de soja toastée en €/T 350 405 465 525 695 810 925 1040

*coût de production de l’orge comptabilisé à 160 €/T en système conventionnel et 250 €/T en bio

Plus le tourteau est cher, plus il est intéressant d’utiliser les protéagineux dans sa ration. En moyenne, l’ajout de 2 kg graines de soja (toastées ou non) permet une économie de 1,5 kg de tourteau et 1 kg de céréales, tout en conservant un apport de protéines à travers l’utilisation d’un tourteau tanné. En parallèle, il ne faut pas négliger la qualité des fourrages présents (ration de base), qui conditionne la quantité de tourteau à ajouter pour équilibrer la ration.

« En quoi consiste le toastage ? »

Le toasteur est une machine qui permet d’envoyer un flux continu d’air chaud (280 à 300 °C) sur un tapis de graines qui avance en permanence. Les graines restent une dizaine de secondes exposées à la chaleur. Grâce à ce temps court et au système de ventilation, elles ne brûlent pas mais chauffent à cœur à  100 °C. Ce procédé thermique transforme les protéines : le taux de protéines assimilables dans l’intestin est ainsi nettement augmenté.  Les quantités de matières grasses restent cependant  les mêmes. Par rapport à une graine crue les PDIA sont les plus impactés car multipliés par 3,5 à 6. Les PDIN augmentent d’environ 20 à 30 %  et les PDIE sont multipliés par 1,8 à 3 selon les espèces. De plus, le toasteur permet d’éliminer bactéries et champignons ce qui  limite donc les risques de contamination dans la ration et améliore la conservation.

«  Gare aux FANs chez les monogastriques… »

On retrouve la présence de Facteurs Anti-Nutritionnels (FANs) dans de nombreuses matières premières, en particulier dans les graines de légumineuses. Les espèces monogastriques, notamment les volailles, y sont plus sensibles que les ruminants. Ainsi, des seuils d’incorporation précis sont à prendre en compte dans le rationnement de ces espèces.

Les FANs sont de natures chimiques diverses et de toxicité variable : produits neurotoxiques (agents du lathyrisme des gesses, alcaloïdes des lupins), anémiants (vicine et convicine chez la féverole), facteurs de faible digestibilité (tannins, inhibiteurs de protéases, phytates), allergènes (lectines), etc. Dans certains cas, une solution variétale a été trouvée. Cela dit, les FANs ayant souvent un rôle protecteur de la plante, ce progrès génétique s’est souvent accompagné d’un besoin plus grand en traitements phytosanitaires. Ainsi, ces variétés sont plutôt inadaptées à l’agriculture biologique.

Différent procédés mécaniques et thermiques ont été développés au niveau industriel afin d’éliminer les FANs. Le toastage par exemple détruirait au moins partiellement la plupart des FANs mais nécessite un travail de rééquilibrage des rations et une certaine vigilance. 

Pour en savoir plus, rendez-vous aux journées « les protéagineux, un pas de plus vers l’autonomie ? », toutes les Infos ICI !

Article co-écrit par : Honorine Adam (HSCE), Louise Crépeau (CE25/90), Amélie Macera (AgroSup), Lise Ducret  et Alban Mondière (InterbioFC)

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