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Tendre vers l’autonomie en système bio sans élevage : rencontre avec le GAEC DE LA MODESTINE à Cornot (70)

Semences fermières, stratégies de mécanisation, fertilisation… autant de sujets qui ont été abordés lors de la journée d’échange sur l’autonomie au GAEC de la Modestine à Cornot (70) le 7 juillet dernier. 24 agriculteurs et agricultrices dont plusieurs jeunes installés étaient présents pour découvrir l’activité des quatre paysan.ne.s boulangers.

De quelle autonomie parle-t-on ?

Quand on parle « autonomie » en élevage on pense tout de suite à l’alimentation du troupeau. Mais dans le cas de système bio avec pas ou peu d’élevage, même principe, il faut nourrir les microorganismes du sol avec ses propres moyens. Les 4 associés du GAEC de la Modestine en ont bien pris conscience lors du changement de système quatre ans en arrière « on est passé d’un système bovin laitier à une activité de paysan boulanger sans élevage, on savait qu’il y avait un gros risque sur la fertilité de nos sols » explique Julien Bailly, un des associés. « Notre système est encore jeune mais des analyses complètes récentes réalisées grâce au groupe GAÏA avec la chambre d’agriculture, ont permis de nous rassurer quant à l’avenir de nos sols et d’être conseillés sur les points de vigilance, cela fut très utile».

Stratégie du système

Actuellement, sur 100 ha, 70 sont en culture et 30 en prairie permanente. La totalité des céréales panifiables est passée en mouture pour être vendue en farine ou transformée en pain sur place. Suite à la reprise de la ferme familiale, les deux frères Toussaint et Maxime Lamy, Sylvie Lamy leur mère, et Julien Bailly le quatrième associé, ont décidé de mettre rapidement en place des stratégies pour pallier au manque de fertilisation suite à l’arrêt de l’élevage et tendent vers l’autonomie en semences avec notamment l’utilisation de variétés paysannes qu’ils sélectionnent.

Mélange de blés anciens/féverole

A Cornot, les sols sont profonds et peu acides. « Nous avons réimplanté beaucoup de luzerne en tête d’assolement dont la première coupe est enrubannée par un éleveur, la dernière est broyée à l’automne pour être restituée au sol, et le reste est fait en foin. Nous avions la chance d’avoir encore tout le matériel de fenaison» explique Toussaint Lamy. « Si on arrive à capter les 80% de l’azote de l’air, on a tout gagné » s’exclame Etienne Vuillier, céréalier à Bonnal. D’autres légumineuses ont pu être intégrées à la rotation, comme des associations blé + féverole couramment pratiquées, des couverts hivernaux sont pâturés par les moutons d’agriculteurs voisins pour fertiliser le sol de façon naturelle. Que ce soit pour la maitrise du salissement ou le maintien de la fertilité, en bio le mot clef reste la rotation. A la suite de la luzerne, on retrouve deux à trois céréales à paille un chanvre comme culture relais et de nouveau, deux céréales à paille. Les céréales sont variées : seigle, épeautre, blé, engrain, orge etc. L’alternance entre espèce d’hiver et de printemps est possible grâce à l’utilisation de blé de printemps ou d’orge de printemps grâce au projet d’une future malterie.

Rotation type

Les parcelles sont chaulées tous les trois ans avec 1,5 T de sable fin de carrière. Effectivement même si la couverture en légumineuse pallie convenablement le besoin en azote, le chanvre et la luzerne sont deux cultures très exportatrices par ailleurs. La luzerne en calcium, phosphore et potassium, et on compte un besoin de 300 unités de potassium pour la culture du chanvre dont moitié sont exportées. Désormais, 150T à 200T de compost de fumier de bovins épandus régulièrement sont échangés avec de la luzerne.

Les rendements en chanvre bio sont proches voire identiques au conventionnel

Des semences paysannes et adaptées

Selon son système, chacun peut avoir sa propre vision de l’autonomie. Pour certains, faire venir un entrepreneur pour la moisson signifie « ne pas dépendre d’emprunt ». Pour d’autres, c’est justement être dépendant d’un service extérieur. Les quatre associés, quant à eux, ont fait le choix d’avoir leur propre moissonneuse batteuse pour avoir plus de souplesse. « C’est plus simple à gérer, surtout que nous avons des petites parcelles, avec beaucoup de variété et des maturités différentes ».

Visite des mélanges de blés anciens

Le souhait de limiter la mécanisation est assez général parmi les agriculteurs présents. Limiter les interventions c’est maitriser ses charges et respecter son sol. Beaucoup parmi les agriculteurs bio, nouveaux convertis ou plus anciens souhaitent travailler de moins en moins le sol en ayant une couverture permanente. Sans oublier que le labour reste un levier de désherbage important en bio ! Les essais de la chambre d’agriculture, menés par Juliette GUESPIN, de trèfle sous couvert de céréales, reflètent une pratique de plus en plus utilisée par les agriculteurs bio. Cette technique, remise au goût du jour, séduit et fait ses preuves d’un point de vue agronomique.

La visite de ces essais était également à l’ordre du jour. Les trèfles ont été semés au 15 avril dans de l’orge de printemps et dans du blé de printemps, de 5 à 20kg/ha selon les 8 espèces. Parmi celles-ci, du trèfle blanc avec trois variétés : Jura, Dublin, Merwi et du trèfle violet, qui quant à lui est trop agressif sous une culture d’orge. « Nous avons notamment choisi des trèfles blanc intermédiaires car plusieurs agriculteurs du groupe DEPHY en sont satisfaits. C’est le bon compromis pour ne pas avoir trop de concurrence pour la culture comme pour le trèfle » précise Juliette.G.

Trêfle Merwi sous couvert d’orge de printemps

Des blés paysans ont également été semés dans de la luzerne « déchaumée ». Bien que ces variétés aient la particularité d’avoir de grandes pailles, la luzerne a pris le dessus juste avant la moisson et surtout dans les endroits versés. La possibilité de faucher et de récolter en andain a été évoquée. Une visite d’essai sur différentes exploitations (8 ont participé aux essais) aura lieu en septembre pour observer la couverture des sols en trèfle après moisson.

25ha par personne et du temps pour soi !

25ha par personne et du temps libre, voici un bel exemple d’une ferme bio durable et transmissible. Quand Julien parle de leur moulin il précise que « cet investissement de 10 000 € neuf a permis de faire perpétuer le modèle de petites structures et de maintenir des emplois et je ne le vendrai pour rien au monde ! ». Car la Modestine c’est aussi une ferme familiale où les compétences de chacun sont valorisées et confrontées. « On fait nos assolements chacun de notre côté et ensuite on met en commun pour débattre des meilleures solutions » explique Toussaint.

Sylvie la doyenne du GAEC, part bientôt en retraite mais ce départ est anticipé puisque Justine Bourg, originaire de Seine et Marne, a récemment commencé un start agri à la Modestine. Et même si elle avoue avoir tout à apprendre, elle semble avoir compris l’essentiel de l’autonomie en système bio « Les parents de Toussaint et Maxime nous ont laissé un héritage de polyculteur éleveur et c’est à nous de l’entretenir pour que les sols continuent à être fertiles » car pour elle « le système paysan boulanger est une des réponses à l’autonomie et aux problématiques de dépendance de l’agriculture actuelle. »

Toussaint et Justine en start agri au GAEC de la Modestine

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