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Journée Gestion des adventices en agriculture biologique – La parole aux agriculteurs qui innovent

Journée Gestion des adventices en agriculture biologique
chez Jérôme VINCENT à CHIGY (89) le 1er avril 2021

Présentation de l’exploitation :

Exploitation de grandes cultures située dans l’Yonne, dans le Sénonais sur les communes de la Vallée de la Vanne. Caractérisée par des types de sols diversifiés allant de la tourbe aux limons-sableux battants en passant par des terres calcaires, avec des potentiels différents et parfois marqués par la présence de silex. Exploitation en agriculture biologique (partiellement depuis 2010, totalement depuis 2016) de
240 ha. Avec une problématique de gestion des adventices « classique » en BIO. Présence de rumex, folle avoine, vesce et des chardons en 2021.

Le choix des cultures est influencé par le type de sol de la parcelle (soja et féverole dans les bonnes terres, la culture du lupin n’est possible que sur sol acide (sans calcaire actif), la réussite des cultures de printemps est difficile dans les limons froids battants et dans les terres à faible réserve hydrique).

En agriculture biologique, la rotation est d’une durée d’au moins sept ans. Sur l’exploitation, la rotation a tendance à s’allonger (actuellement neuf ans, voir schéma ci-dessus), avec des choix économiques plutôt que des choix agronomiques. C’est ainsi, que le triticale (choix économique) et l’orge d’hiver (choix agronomique) sont absents de la rotation.
Pour une meilleure rentabilité, la culture du blé revient fréquemment et la luzerne, dont la
valorisation est délicate, ne sera conservée que deux ans.


1. Rotation (alternance des cultures d’hiver, de printemps et d’été) :

Le premier levier est la mise en place d’une alternance des cultures pour gérer le cycle de l’azote (fertilisation azotée) et les adventices. Actuellement il n’y a pas ou peu de problème de maladies et/ou de ravageurs.
Pour gérer le cycle de l’azote, Jérôme s’appuie sur deux années de légumineuses fourragères (luzerne) en début de rotation et sur un relais par des protéagineux, dont l’effet précédent est moindre mais qui permet d’espacer les retours de luzerne pour éviter les maladies. Pour maîtriser les adventices et éviter la sélection de flore spécifique, une alternance de culture d’hiver, de printemps et d’été est réalisée. La luzerne a également le rôle d’une plante étouffante et nettoyante par les broyages et fauches successives ce qui permet l’épuisement des vivaces, le chardon principalement, mais cette technique est peu efficace sur rumex (intervention manuelle chez Jérôme).

2. Le travail du sol :

Un autre levier est la pratique du faux-semis même s’il a été moins souvent réalisé sur
l’exploitation ces dernières années en raison des conditions climatiques et des adventices
présentes. Le labour reste une opération efficace en terme de désherbage. Pour Jérôme, il est difficile de se passer de cette opération réalisée de plus en plus proche du semis pour une raison de coût et par opportunisme du 20 novembre jusqu’à février. Il lui permet de détruire la luzerne, d’enfouir les résidus de récolte et de limiter la propagation de maladies entre deux blés. Dans certaines situations de charge en cailloux très élevée, il permet de remonter et de « refaire » de la terre (limon sableux à silex qui évoluent naturellement vers un « lit de cailloux »). Le labour pour l’implantation des protéagineux est encore réalisé mais Jérôme s’interroge sur son intérêt pour ces cultures. Jérôme effectue des passages de vibroculteur dans les luzernes bien implantées pour stimuler leur
croissance et lutter contre les vivaces et les graminées.

3. La mise en place de la culture du blé :
Au travers du choix de la variété et des mélanges de variétés, l’objectif est de limiter l’arrivée de lumière au sol favorable au développement des adventices. Sont privilégiées des variétés hautes, à feuilles larges et port étalé, à bonne vigueur pour un démarrage rapide et homogène, de façon à concurrencer les adventices.
L’augmentation de la densité de semis intervient avec le même objectif de maximiser la couverture du sol. Une densité de semis à 400 gr/m2 avec conservation d’un écartement classique (12,5cm) sur les deux premiers blés de la rotation. Après deux ans de luzerne la parcelle est propre et le binage n’est pas obligatoire. Le passage à un semis à 25 cm d’écartement n’est envisagé qu’en fin de rotation afin de rendre possible le passage de la bineuse. Autre levier, le retard de la date de semis (ou semis tardif) permet de lutter mécaniquement (faux-semis ou semis) contre toutes les mauvaises herbes, mais aussi celles dont la dormance est levée plus tardivement telles que les graminées comme le ray-grass et le vulpin surtout lors d’un hiver pluvieux.

4. La fertilisation :

La fertilisation azotée des cultures reste limitée et raisonnée. Elle peut permettre une meilleure valorisation du blé, 450 à 500 €/t pour un blé avec protéines
contre 350 €/t pour un blé fourrager, mais elle change la dynamique de croissance des adventices qui profitent de l’apport d’azote pour se développer. La fertilisation doit s’envisager sur une parcelle propre et avec un précédent autre que la luzerne.
Une fertilisation plus intensive oblige à la mise en œuvre plus systématique des moyens de lutte curatifs (outils de désherbage mécanique) avec l’incertitude de mise en œuvre les années ou les conditions climatiques ne permettent pas ces passages.

5. Les outils de désherbage mécanique :

L’utilisation des outils de désherbage mécanique n’est pas systématique. Elle a aussi évolué à la baisse au cours du temps depuis la conversion en agriculture biologique. Les outils de désherbage mécaniques sont perçus comme un levier d’ordre curatif. Les outils
d’intervention précoce (herse étrille, houe rotative et étrille rotative), d’intervention
complémentaire (bineuse) et de rattrapage (écimeuse) ne sont mis en œuvre qu’en dernier recours pour détruire les adventices et en cas d’échecs des autres leviers agronomiques et techniques. Le binage reste l’opération la plus efficace pour détruire des mauvaises herbes développées.
L’utilisation d’un guidage automatique par caméra permet d’augmenter la plage d’utilisation de la machine, passages plus précoce et plus tardif et le débit de chantier pour utiliser au mieux les créneaux favorables. La herse étrille et la houe rotative offrent la possibilité d’intervenir en plein sur des adventices jeunes (fil blanc à cotylédons) avec de bonnes efficacités sur dicotylédones. Ces techniques améliorent le réchauffement du sol et la minéralisation bénéfiques à la culture. Attention parfois leur utilisation conduit à une culture plus propre mais l’agriculteur n’est pas gagnant au final. C’est le cas par exemple, d’un passage de herse étrille sur pois qui crée des blessures et autant de portes d’entrées pour les maladies. Dans certaines situations, elle est contre-productive. C’est le cas par exemple de passage répétés de houe rotative et de herse étrille sur des sols battus initialement « propres » qui engendrent de nouvelles levées d’adventices. Le choix des outils, de leurs caractéristiques et leurs performances dépendent des conditions
d’utilisation. Ici, la charge importante de certaines parcelles en cailloux, limite la vitesse d’avancement et augmente l’usure, deux composantes qui impactent l’efficacité des machines.
Elle oblige au choix d’une houe rotative « à sens inversé », sans quoi son passage ne serait pas possible. Elle impose également, des éléments indépendants sur la bineuse pour éviter les remontées intempestives des pièces travaillantes. A la conversion, ils apportent une « assurance » à la gestion des adventices. En réalité, dans ce
système aujourd’hui, 80 % du travail est réalisé avant leur utilisation !

6. Le triage de la récolte :

Enfin, la possibilité de trier la récolte reste un levier supplémentaire. Elle change la vision de l’enherbement et permet l’acceptation d’une certaine flore : exemple de la véronique qui forme un tapis mais n’est pas gênante. Le triage exige un équipement spécifique et augmente le temps de travail. Cependant, certaines graines d’adventices ne peuvent être éliminées par les trieurs classiques et nécessitent l’utilisation d’un trieur optique, c’est le cas de la vesce par exemple..


Conclusion :
Jérôme nous a présenté sa vision de la gestion des adventices dans son système en agriculture biologique, avec ses caractéristiques, avantages et inconvénients. Attention toutefois, il ne s’agit pas d’une « recette » mais d’éléments apportés pour mûrir vos réflexions sur la gestion des adventices sur vos exploitations. Remerciements à Jérôme VINCENT qui a accepté de partager son expérience avec beaucoup
d’objectivité.

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